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Monsieur Delavier habitait au 23, rue St Merri, dans le 4ème arrondissement de Paris. L’agitation parisienne des années soixante et ce projet de centre culturel qui allait se déployer pile sous ses fenêtres, sur le plateau de Beaubourg, le démoralisaient. A l’instar de nombre de ses relations, Monsieur Delavier considérait que le projet des architectes Renzo Piano et Richard Rogers avait tout d’une raffinerie de pétrole.

Il avait heureusement trouvé refuge dans l’un des plus extraordinaires endroits de la région parisienne. Il y avait construit son ermitage.

Le vendredi, après sa journée de travail, Monsieur Delavier prenait sa 404 Peugeot et filait en direction de Fontainebleau, le sourire aux lèvres et le coffre chargé de provisions et de quelques matériaux de construction.

La Nationale 7 le conduisait jusqu’à Melun puis il longeait la forêt de Fontainebleau en traversant Barbizon, le célèbre village des peintres paysagistes, précurseurs de l’impressionnisme. Entre Arbonne et Achères, il empruntait à petite allure la célèbre route des 17 tournants. Cette route fameuse tout en lacets qui, à l’époque, était entièrement pavée, jouait bien des tours à ses usagers. Les roues des bicyclettes se coinçaient parfois entre les pavés, rendant l’ascension de la côte périlleuse et la descente bien plus encore ! Et que dire des pavés si glissants quand la pluie s’en mêlait ! Pour Monsieur Delavier, cette route pavée marquait l’entrée dans sa forêt : celle qui est toute de creux et de bosses, de chaos rocheux et d’arbres torturés, de sable et d’odeurs de pins. Quelques minutes plus tard, il garait sa 404 dans le village du Vaudoué, à l’orée du massif des Trois Pignons.

Monsieur Delavier faisait partie des 2000 propriétaires privés de ce massif. Certaines parcelles ne faisaient que 2 ou 3 mètres de large, d’autres étaient bien plus vastes. La sienne faisait à peu près un hectare, ce qui lui permettait de prendre ses aises. Mais surtout, elle était située tout en haut d’une bosse. Suite à l’incendie gigantesque de 1943, déclenché par l’armée allemande pour déloger les maquisards, la végétation n’avait pas encore repoussé au point de boucher les points de vue. Sa position lui offrait donc une vue splendide sur les Trois Pignons. Il n’aimait rien tant que voir le soleil se coucher depuis son ermitage, tout en jouant un air de jazz avec sa trompette.

Monsieur Delavier avait construit lui-même son palais. Il avait charrié des tonnes de briques et de ciment, petit à petit, semaine après semaine, pour élever son abri et composer des terrasses aux formes organiques. Il avait conçu des bassins pour retenir l’eau afin de pouvoir se doucher, faire sa cuisine et arroser son jardin. D’astucieuses petites rigoles conduisaient l’eau depuis les grandes dalles de grès du chaos rocheux dans ces bassins, qu’il avait patiemment carrelés avec ces petits carreaux bleu ciel qui lui rappelaient les bains-douches de la ville de Paris. Son jardin habillait la forêt de touches de couleurs, on y voyait toutes sortes d’espèces de fleurs et d’arbustes tout à fait incongrus en cet endroit, mais parfaitement charmants, qui conféraient à son ermitage tous les attributs de la domestication.

La débrouillardise de monsieur Delavier était telle qu’il avait construit des toilettes dans un endroit éloigné de son habitation de quelques dizaines de mètres et abritées de façon que son intimité fût préservée.

Il avait également conçu un ingénieux mécanisme pour prendre sa douche en surplomb de l’immensité verte dont seul le majestueux Diplodocus de grès émergeait au loin. Monsieur Delavier aimait cette vie de Robinson sur sa bosse, depuis laquelle il dominait le monde.

Son bonheur aurait pu durer longtemps, mais c’était sans compter sur ces grimpeurs, de plus en plus nombreux dans le massif des Trois Pignons, qui avaient jeté leur dévolu sur un bivouac tout proche.

Delavier entreprit de faire déguerpir ces indésirables. Il en vint à clouer sur les arbres des affichettes « propriété privée ». Mais les varappeurs s’amusaient de celui qu’ils prenaient pour un vieux fou. Ce sont eux qui baptisèrent sa maison le « Palais du Potala ». Cette maison se voyait de si loin à l’époque qu’elle leur avait évoqué le palais du Dalaï Lama à Lhassa. Le nom est resté puisque l’IGN a baptisé cette bosse « Potala ». Monsieur Delavier était animé d’intentions moins pacifiques que le Dalaï Lama. Il décida d’isoler son domaine à l’aide d’une double ligne défensive faite de barbelés. Certains aujourd’hui en parlent encore sous le nom de Ligne Delavier, comme il y a eu la ligne Maginot avant lui.

Les rochassiers étaient désormais contraints et forcés de contourner le Potala : Monsieur Delavier avait enfin retrouvé sa tranquillité et pouvait continuer à aménager bassins et îlots potagers et ornementaux. L’heure de la retraite approchait et son ermitage était de plus en plus fonctionnel et agréable. Il comptait bien y passer le plus clair de son temps d’avril à octobre, tandis que l’hiver se passerait à Paris. Il s’amusait follement. Il lui vint même l’idée, dans une des contremarches de sa maison, de figurer une entrée de métro miniature, dont le fronton arbore encore aujourd’hui le nom de la station : « Réaumur Sébastopol ». Il me semble que cette petite ouverture conduit directement les souris de la forêt à Paris quand les évènements familiaux et festifs nécessitent qu’elles rejoignent leurs cousines, les souris des villes.

C’est la puissance publique qui sonna le glas du palais du Potala et le glas du paradis de Monsieur Delavier par la même occasion. Le massif des Trois Pignons s’étendant sur 3340 hectares et attenant à la forêt de Fontainebleau fut acquis sur décision du ministère de l’agriculture afin d’être ouvert au public. Les autorités avaient aussi dans l’idée de faire passer sur la partie est des Trois Pignons une autoroute : l’A6 déchire encore aujourd’hui le massif forestier.

Monsieur Delavier et quelques autres propriétaires de parcelles allèrent en justice pour plaider leur cause et annuler l’expropriation dont ils étaient les victimes. Malgré une longue et âpre bataille judiciaire, les expropriations furent toutes confirmées en 1969. Le palais du Potala fût démoli pour que personne ne s’y installe à nouveau. Aujourd’hui, de nombreux vestiges sont encore visibles, y compris de très beaux nénuphars dans l’un des bassins, et celui qui prend le temps de s’arrêter un peu en haut du Potala pourra humer l’ambiance de cet endroit si particulier. En léger contrebas de l’une des terrasses, vous apercevrez peut-être ce gros rocher qui évoque un visage hurlant son désarroi, c’est le Désespoir de Monsieur Delavier. Vous penserez à lui.

 

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Les bassins carrelés aux formes organiques
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Le bassin aux nénuphars
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Les lieux d’aisance de M Delavier